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L’abus de biens sociaux et de pouvoirs

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"Plus grand est le pouvoir plus dangereux est l’abus." Edmund Burke

Normes

COMPORTEMENT

Intérêt social de la société

RÉPRESSION

Abus des biens sociaux et de pouvoirs

Code de commerce – Partie législative

LIVRE II : Des sociétés commerciales et des groupe- ments d’intérêt économique
TITRE IV : Dispositions pénales
Chapitre Ier : Des infractions concernant les sociétés à responsabilité limitée

LIVRE II : Des sociétés commerciales et des groupe- ments d’intérêt économique
TITRE IV : Dispositions pénales
Chapitre II : Des infractions concernant les sociétés anonymes

Section 2 : Des infractions relatives à la direction et à l’administration

LIVRE II : Des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique
TITRE IV : Dispositions pénales
Chapitre III : Des infractions concernant les sociétés en commandite par actions

Textes répressifs

(ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016)
Articles Informations
Art. L. 241-3 Code com. SARL

« Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 €. »

« 4° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

5° Le fait, de faire de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »

Art. L. 242-6 Code com. SA

« 3° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou des crédits de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

4° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »

Art. L. 243-1 Code com. Société en commandite par actions
« Les articles L. 242-1 à L. 242-29 s’appliquent aux sociétés en commandite par actions. Les peines prévues pour les présidents, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes sont applicables, en ce qui concerne leurs attributions, aux gérants des sociétés en commandite par actions ».
Art. L. 244-1 Code com. SAS
« Les articles L. 242-1 à L. 242-6, L. 242-8, L. 242-17 à L. 242-24 s’appliquent aux sociétés par actions simplifiées. Les peines prévues pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées. Les articles L. 242-20, L. 820-6 et L. 820-7 s’appliquent aux commissaires aux comptes des sociétés par actions simplifiées ».

En amont

Tentative non réprimée

À rapprocher de

Abus de confiance

Art. 314-1 CP

Détournement de fonds publics

Art. 432-15 CP

10 ans et 150 000 €

Détournement de gage

Art. 314-5, 314-6 CP

Organisation frauduleuse d’insolvabilité

Art. 314-7 CP

Mot-clés

  • Conflit d’intérêt
  • Détournement de fonds

Histoire

L’abus de bien social est né à partir de 1935 et de l’affaire Stavisky, mémorable scandale, car la liste des contrats susceptibles d’être objet d’abus de confiance telle que la figeait l’article 408 du code pénal de l’époque a paru insusceptible d’appréhender toutes les situations. En fait la jurisprudence rattrapait, grâce au contrat de mandat, l’essentiel à l’encontre des mandataires sociaux. Depuis la réforme de 1993, l’article 314-1 ne comportant plus cette liste, l’intérêt de cet abus de confiance spécialisé aux sociétés commerciales a disparu si ce n’est que l’abus de confiance n’inclut toujours pas les immeubles dans les biens qui pourraient ainsi être dissipés.

Jurisprudence

« Les frères Willot, actionnaires majoritaires et égaux en capital de SFFAW (holding du groupe) étaient soit dirigeants de droit comme Jean-Pierre et Antoine, soit dirigeant de fait comme Régis, cette qualité ne pouvant cependant être étendue à Bernard Willot à raison des distances prise par lui envers l’administration de la société à l’époque de la prévention et sa participation aussi éphémère que marginale au conseil de surveillance ».

1985, In Lamy n° 1910.

Outre qu’en l’espèce : « il n’existait aucun lien véritable entre les sociétés... , ayant pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce divers... un concours financier... doit être dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble de ce groupe, et ne doit être démuni de contrepartie ou rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui me supporte la charge... Même si le dirigeant était personnellement... plus intéressé par la puissance réelle qu’il développait au nom du groupe que par les profits immédiats ».

Crim. 4 février 1985 Rozenblum, n°84-91.581 Bull. 220, D. 1985, jur. P. 478, Ohl.

« ... Pour relaxer des chefs d’abus de biens sociaux M.Y..., la cour d’appel énonce que lors d’une réunion du conseil de surveillance de la SPLA, les attributions respectives des sociétés membres du groupe avaient été rappelées avec pour objectif de renforcer la compétitivité du nouvel ensemble implanté dans des locaux commun, la SPLA assurant la gestion et la SCEE s’appuyant initialement sur les contrats gérés par la SLPA, avec pour perspective de prospecter d’autres assureurs, de souscrire de nouveaux contraints générant pour la SCEE la perception de commissions et pour la SLPA celle d’honoraires de gestion, que le déséquilibre entre les résultats des sociétés ne provient pas de la volonté des prix de privilégier la SCEE au détriment de la SLPA mais du rôle respectif de chacune d’elles et que le fait que les salariés de la SLPA et ses moyens soient intervenus de façon marginale pour l’autre société, sans caractériser la volonté délibérée d’agir à l’encontre de son intérêt économique cette pratique étant réciproque ; qu’en l’état de ces énonciations dont il résulte que les opération incriminées étaient justifiées par l’existence d’un intérêt de groupe, la cour d’appel a justifié sa décision... ».

Crim. 6 avril 2016, n° 15-80.150, DP 2016,n°98, Jacques-Henri Robert.

« Qu’en effet, à moins qu’il soit justifié de leur utilisation dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux prélevés de manière occulte part des dirigeants sociaux l’ont nécessairement été dans leur intérêt personnel, direct ou indirect ».

Crim. 20 juin 1996, n° 95-82.078, Bull. 271, D. 1996, jur., p. 589, Bouloc.

« Quel que soit l’avantage à court terme qu’elle peut procurer, l’utilisation des fonds sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption est contraire à l’intérêt social en ce qu’elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou fiscales contre elle-même et ses dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa réputation. »

Crim. 27 octobre 1997 Carignon, n°96-83.698 Bul. 352.

« Il résulte de la rédaction même du protocole du 14 mars 1991 ; Que c’est à des fins personnelles et au mépris de l’intérêt de la SFCMC, qui acquérait des titres Gray d’Albion a un coût excessif, (de CIP) tandis qu’elle-même tirait un avantage anormal de la vente de ses titres dans la SFCMC et de ses filiales, que Diane Barrière a conclu la convention litigieuse... et quand bien même le Conseil des bourses de valeurs a, pour sa part, estimé que l’opération, « telle qu’elle lui avait été présentée », ne légitimait pas une offre publique de retrait, et que l’administration des impôts a abandonné le redressement fiscal projeté... la convention litigieuse est restée secrète jusqu’à sa saisie , le 4 avril 1995, lors d’une perquisition dans l’étude de Dominique Desseigne... devenu le conseiller de la famille Barrière, ... a « participé aux négociations qui ont abouti à la signature du protocole », à laquelle il a assisté en l’étude de Me Maillot... que « ce document se trouvait à son étude car il était juriste et que son épouse lui demandait conseil... Pour dire établis les faits de complicité d’abus de biens sociaux à l’encontre de Dominique Desseigne et de recel à l’encontre de Jean-Marc Oury, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens et énonce, notamment, que, le premier, conseiller de la famille Barrière, a, en parfaite connaissance de la finalité des opérations litigieuses, participé à toutes les négociations, apportant ainsi aide et assistance à Diane Barrière, et que, le second, qui avait conscience de la surévaluation, au préjudice de la SFCMC, du prix des titres Gray d’Albion que cette société acquérait, a bénéficié en sa qualité de dirigeant de la CIP du produit de l’infraction ; ».

Cour d’appel de Paris, 9e, 6 décembre 2007 sur renvoi de la Cour de Cassation du 28 juin 2006, n° 06-07.954.

« Pour déclarer recevables les demandes de Jean-Marie Lattès, de la société Maison Antoine Baud et d’Antoine Buckel, agissant ès qualités d’actionnaires de la SFCMC et condamner Dominique Desseigne et Jean-Marc Oury, en leur qualité de complice et de receleur, à verser solidairement à cette société la somme de 67 millions d’euros, l’arrêt énonce que les parties civiles ont exercé l’action ut singuli, devant le tribunal correctionnel, par conclusions déposées le 2 avril 2004, alors que l’action publique n’était pas prescrite ; que les juges retiennent qu’aux termes de l’article L225-252 du code de commerce, les actionnaires peuvent agir individuellement ; qu’ils relèvent que la société a été mise en cause conformément aux dispositions de l’article 201 du décret du 28 mars 1967 : qu’ils ajoutent qu’en vertu de l’article 480-1 du code de procédure pénale, une telle action est recevable à l’encontre des complices et receleurs de l’infraction commise par l’auteur principal, même si, comme en l’espèce, l’action publique est éteinte à son égard ; ... ».

Crim. 14 janvier 2009, n°08-80.584

« ... M. X.... , administrateur de la société A..., a acquis auprès de la société G..., créancière de cette société, ... une créance à terme décotée, et l’a ensuite cédée à la société débitrice... ; qu’il n’a pas participé aux délibérations du conseil d’administration du 26 mai 2010 et de l’assemblée générale du 11 février 2011 qui ont décidé, puis approuvé cette opération de remboursement anticipé de cette dette sociale ; ... pour dire établi le délit d’abus de biens sociaux, la cour d’appel retient notamment que M. X. ..., qui bénéficiait, en sa qualité d’administrateur, d’informations privilégiées sur les intentions des dirigeants de la société A, s’est positionné, dès le 4 février 2010 comme le seul interlocuteur avec lequel cette société devait négocier, interdisant, dès lors, à celle-ci de réaliser directement l’opération avec la société créancière, et a ainsi obtenu un profit personnel d’environ 500 000 € ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser une action personnelle de M. X., ressortissant au pouvoir de l’administrateur, ayant permis la réalisation de l’opération dans laquelle il se trouvait intéressé, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; d’où il suit que la cassation est encourue. »

Crim. 9 mars 2016, n° 15-80.547 DP 2016, n°85, JH Robert.

« ... le délit d’abus de bien sociaux est une infraction instantanée consommée lors de chaque usage abusif des biens de la société ; que la prescription court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont indûment mises à la charge de la société... que les sociétés Matra et Hachette, présidées par Jean-Luc X, ont conclu des conventions avec la société Arjil groupe, également dirigée par celui-ci, aux termes desquelles elles s’engageaient à verser un honoraire forfaitaire annuel égal à 0,20% de leurs chiffres d’affaires consolidés, révisable en cas de variation brutale et sensible dudit indice, pour la rémunérer de prestations d’animation, de relation, d’assistance, définies de manière globale et devant faire chaque année l’objet d’un rapport particulier ; que ces conventions ont été approuvées par les assemblées générales des sociétés tenues respectivement les 20 et 26 juin 1989 ; ... la société Lambda, actionnaire des sociétés Matra et Hachette, estimant que la rémunération de la société Arjil groupe était très supérieure au coût réel des prestations qu’elle était censée procurer aux dites sociétés, a porté plainte et s’est constituée partie civile le 29 décembre 1992, pour des abus de biens sociaux commis de 1988 à 1992 ; ... pour constater la prescription de l’action publique, la cour d’appel énonce que, lorsque les usages contraires à l’intérêt social sont successifs et résultent, comme en l’espèce, d’une décision d’engagement des dépenses dont ils constituent l’exécution automatique, l’élément matériel de l’infraction est caractérisé par les conventions dont résulte l’engagement et que le point de départ du délai de prescription doit être fixé aux dates auxquelles les assemblées générales des sociétés Matra et Hachette les ont approuvées ; Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que, d’une part, l’usage contraire à l’intérêt social, constitutif d’abus de biens sociaux, résultait non des conventions litigieuses mais de leurs modalités d’exécution et que, d’autre part, celles-ci devaient faire l’objet, à la fin de chaque exercice, d’un rapport spécial des commissaires aux comptes dont la présentation aux assemblées générale constituait le point de départ du délai de prescription, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ».

Crim. 8 octobre 2003, n° 02-81.471 Jurisdata n°2003-020589 - DP n°12, déc.2003, comm. 147, JH Robert

« X..., désireux d’avantager la société PAD, s’est délibérément abstenu de réclamer à cette société, en sa qualité de gérant, puis de Président Directeur Général de la Codrop le payement du prix des marchandises dont la première de ces sociétés était redevable envers la seconde ; en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a donné une base légale à sa décision ; qu’en effet, l’adoption par X... d’une telle attitude constitue de la part d’un gérant ou administrateur de société, un usage de ses pouvoirs contraire aux intérêts sociaux qui caractérise l’infraction retenue alors qu’il n’est pas conteste qu’en se comportant ainsi, le prévenu entendait favoriser une autre société dans laquelle il était directement intéressé ; qu’ainsi le moyen ne saurait être admis... rejette le pourvoi ».

Crim. 15 mars 1972, n° 71-91.378

« 1 I alors que l’usage des biens sociaux suppose l’existence d’un acte positif de gestion ; qu’en décidant, au contraire, que l’élément matériel du délit était constitué par la seule abstention des prévenus de faire réintégrer le trop-perçu dans l’actif de la société Repro Express, la cour d’appel a violé l’article 121-1 du Code pénal et l’article L. 241-3 du Code de commerce ; 2 I alors que le délit d’abus de biens sociaux suppose que soit constatée la mauvaise foi du gérant qui a fait, en connaissance de cause, un usage du patrimoine social contraire à l’intérêt de la société et à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est intéressé ; que lorsque l’usage des biens sociaux consiste en une simple omission, l’intention coupable du prévenu doit être spécialement motivée, son abstention pouvant résulter de sa seule négligence ; qu’en l’espèce, faute d’avoir relevé et caractérisé l’intention coupable de MM. X... et Y..., la cour d’appel a violé l’article 121-3 du Code pénal et l’article L. 241-3 du Code de commerce” ; Pour déclarer les prévenus coupables d’abus de biens sociaux par défaut de réintégration d’une somme de 50 000 francs indûment débitée du compte bancaire de la société, la cour d’appel, après avoir rappelé que la secrétaire comptable de la Sarl Repro- Express avait sciemment corroboré l’erreur de la banque en portant à 85 000 francs le montant de l’acompte qu’elle avait antérieurement passé en comptabilité pour un montant de 35 000 francs, relève que Victor X... et Robert Y..., associés de la S.C.I bénéficiaire du chèque, devaient s’apercevoir de ce versement indu au plus tard le premier jour du trimestre suivant son existence et procéder immédiatement à la déduction correspondante de la facturation à venir ou à un remboursement de l’indu ; En prononçant ainsi, et dès lors que l’usage des biens ou du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci peut résulter non seulement d’une action, mais aussi d’une abstention volontaire, la cour d’appel a justifié sa décision ».

Crim 28 janvier 2004, n°02-88.094

Filmographie

Stavisky

Alain Resnais (1974)