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La banqueroute

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"On ne meurt pas de dettes on meurt de ne plus pouvoir en faire." Louis-Ferdinand Céline

Normes

COMPORTEMENT

Patrimoine affecté

RÉPRESSION

La Banqueroute

Chapitre IV du Titre V du Livre VI du Code com.

Textes répressifs

(ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016)
Articles Informations
Art. L. 654-2
Code com.

« En cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l’article L. 654-1 contre lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après :
1° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
2° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ;
3° Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
4° Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ;
5° Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. »

Art. L. 654-2
Code com.
« La banqueroute est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

En amont

Tentative non réprimée

Droit de préférence : en face des titres des créanciers, il y a ou non des contre-parties qui peuvent éventuellement être constituées en gage mais de toute façon le patrimoine de l’emprunteur est ce qui a donné confiance au prêteur.

À rapprocher de

La faillite personnelle

Art. L. 653-4 et suivants Code com.

L’interdiction de gérer

Art. L. 653-8 Code com.

L’organisation d’insolvabilité

Art. 314-7 CP

La revente à perte

Art. L. 442-2 Code com.

Le détournement de meubles gagés

Art. 314-5 CP

Aggravations

Les articles 311-4-1 à 311-11 énoncent les peines, par palier, allant jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité, selon la nature du bien volé, ou les circonstances du vol.
  1. Qualité de dirigeant d’une entreprise prestataire de services d’investissement
    Art. L. 654-4 Code com.
    Peine portée à 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende
  2. Peines complémentaires
    Art. L. 654-5 Code com.
  3. La personne morale
    Art. L. 654-7 Code com.

Mot-clés

  • Faillite
  • Malversation
  • Organes de la procédure
  • État de cessation des paiements
  • Contrepartiste

Histoire

La responsabilité limitée dans les entreprises commerciales a permis l’essor de l’industrie à laquelle il fallait d’importants capitaux que n’auraient pas apportés ceux qui, n’étant pas aux affaires, ne pouvaient envisager une responsabilité sur tous leurs biens1.

 

Cette insolvabilité légale implique que le comportement de celui qui dirige l’entreprise soit apprécié au regard des risques qu’il a pris.
Par nature, entreprendre c’est prendre des risques mais prendre des risques inconsidérés avec l’argent des autres peut conduire à devoir les indemniser, c’est la procédure civile de comblement de l’insuffisance d’actif.

 

Il s’agit déjà là de procédures qui sont sous l’égide d’un mandataire liquidateur, c’est-à-dire de procédures collectives où les créanciers, individuellement, perdent leurs droits d’action. Ils seront dans la même situation en cas de banqueroute ou lorsque, au-delà de la faute de gestion civile précitée, ils auront continué l’exploitation en ne déclarant pas la cessation de paiements et donc aggravé le dommage, empêché la découverte de la déconfiture en maquillant la comptabilité, ou détourné ce qui restait avoir de la valeur.

 

Si les créanciers sont donc individuellement irrecevables à demander la réparation du préjudice résultant de la perte de la diminution de valeur de leurs créances, ils peuvent néanmoins solliciter la réparation d’un préjudice moral et restent de toute façon recevables à agir contre le complice du banqueroutier au motif que son patrimoine ne fait pas l’objet de la procédure collective.

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1 RipeRt, Aspects juridiques du capitalisme contemporain, LGDJ 1951, voir aussi EIRL depuis la loi du 15 juin 2010.

Jurisprudence

« Le fait qu’une société d’économie mixte locale, personne morale de droit privé régie par les articles L.1521-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, relevant également des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et celle du 25 janvier 1985 relativement au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, poursuive un but d’intérêt général et que la majorité de son capital soit détenue par une collectivité locale ou un groupement de communes, n’exclut pas que ses dirigeants puisse être poursuivis pour banqueroute, dès lors que cette société exerce une activité économique au sens de l’article 196 de la loi du 25 janvier 1985. »

Crim. 2 juin 1999, n° 98-81.454

Le dirigeant de fait d’une entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, exploitée en la forme individuelle, peut être déclaré pénalement responsable des chefs de banqueroute et de fraude fiscale.

Crim. 19 nov. 2008, n° 08-81.194

« Marie-Claude V., exploitant en nom personnel un café restaurant, a été mise en redressement judiciaire, ... confirmé en appel.., converti en procédure de liquidation judiciaire par arrêt confirmatif... ; ... a formé pourvoi contre ces deux arrêts ; que, parallèlement elle a été poursuivie du chef de banqueroute par détournement ou dissimulation d’actifs ; ... pour déclarer la prévenue coupable de ce chef, l’arrêt relève que celle-ci a poursuivi son activité postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, en dépit des injonctions du liquidateur et s’est opposé à la tenue d’un inventaire de ses biens ; que les juges ajoutent qu’il importe peu que les pourvois formés par la demanderesse soient pendants devant la Cour de cassation dès lors que la procédure collective était exécutoire au moment des détournements, ... et dès lors que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire n’est qu’une condition préalable à l’exercice de l’action publique. »

Crim. 24 Mars 2010, n°09-84.599

« La date de cessation des paiements de la société en cause résultait du jugement la plaçant en redressement judiciaire qui demeurait exécutoire nonobstant la cassation de l’arrêt le confirmant. »

Crim. 24 oct. 2012, n° 11-86.165

« Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire n’est qu’une condition préalable à l’exercice de l’action publique du chef de banqueroute. »

Crim. 20 mai 2015, n°13-87.727

« Le délit de banqueroute par détournement d’actif suppose, pour être constitué, l’existence d’une dissipation volontaire du patrimoine d’une société en l’état de cessation de paiement par le dirigeant de fait ou de droit. Les actes de disposition accomplis en fraude des droits des créanciers le sont, par principe, après la cessation des paiements. Mais par exception, des actes antérieurs à la cessation des paiements peuvent constituer le délit de banqueroute lorsqu’ils ont provoqué cette cessation des paiements des lors que, procédant d’une même intention et tendant au même but, ils ont pour objet ou pour effet d’affecter la consistance de l’actif disponible dans les conditions de nature à placer le débiteur dans l’impossibilité de faire face au passif exigible. »

Tribunal correctionnel de Valence, 27 janvier 2011

« Il y a état de cessation des paiements lorsque l’actif disponible est insuffisant pour faire face au passif exigible. C’est la balance entre cet actif disponible et le passif exigible qui détermine l’ouverture d’une procédure collective autre que la sauvegarde, l’actif devant être insuffisant pour faire face aux dettes certaines, liquides et exigibles. Le passif à prendre en considération est le passif exigible et non le passif exigé. Si dans son arrêt du 28 avril 1998, la chambre commerciale de la Cour de cassation a énoncé que le passif à prendre en compte était le passif exigible et exigé, c’est à la condition que le créancier soit libre de faire crédit à son débiteur. C’est donc le créancier qui décide s’il exige ou non sa créance et non le débiteur qui est tenu à ses obligations dès qu’elles sont exigibles. C’est au débiteur qu’il appartient de rapporter la preuve de cette réserve de crédit. Le simple fait pour un créancier de rester inactif dans le recouvrement de sa créance n’est pas suffisant pour établir que le passif n’est pas exigé. »

Tribunal correctionnel de Valence, 27 janvier 2011

« ... juge répressif a le pouvoir de retenir en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle fixée par la juridiction consulaire. »

Tribunal correctionnel de Valence, 27 janvier 2011

« ... était en état de cessation des paiements ; qu’ils retiennent que la banque, alors qu’elle avait connaissance de cette situation, avait artificiellement maintenu les crédits en compte-courant, dans le but de réaliser des actifs à son profit et de réduire ainsi le débit de ce compte ; qu’ils ajoutent que les intérêts et frais comptabilisés..., excédaient les capacités de remboursement de la SCI... ; qu’ils en déduisent que le crédit ainsi accordé à la SCI dans le seul but de retarder l’ouverture de la procédure collective était ruineux ».

Crim. 22 septembre 2010, n° 09-83.274

« ... que, si rien n’interdit à une société de consentir un contrat de commodat, celui qui a été conclu, 3 avril 2000, a eu pour effet en attribuant au prévenu la jouissance gratuite de la totalité de la clientèle, de “provoquer immédiatement la ruine” et de “signer la cessation des paiements” de la société qui, privée de ses recettes alors qu’elle avait des charges à assumer ne pouvait plus faire face à son passif exigible. »

Crim. 14 février 2007, n° 06-86.721

« les juges ajoutent que ces actes de disposition sont intervenus postérieurement à la date de cessation des paiements fixée au... et en fraude des droits des créanciers “dans la mesure où les éléments d’actif constitués par les véhicules vendus ont été détournés. Mais..., alors qu’il ne résulte pas de ses propres énonciations que le produit de la vente de ces véhicules, réalisé à leur juste prix, ait été détourné ou dissimulé, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; ... cassation. »

Crim. 10 Mars 2010, n°09-83.016

« Ainsi la cession de la marque, pour précipitée qu’elle ait été, a été faite à un prix convenable qui n’a pas provoqué un appauvrissement des créanciers. Quant au remboursement des comptes courants à hauteur de 2 700 000 €, il y a lieu de rappeler que le remboursement devait intervenir dès l’instant où il a été exigé. Le paiement à la fin de juillet 2005 de cette somme à l’actionnaire pendant la période suspecte au regard de la date de cessation des paiements telle que retenue par le présent jugement ou arrêtée par le tribunal de commerce s’analyse comme un paiement préférentiel. Pour critiquable que soit ce paiement en droit des procédures collectives, il ne tombe plus depuis la loi du 25 janvier 1985 sous le coup de la loi pénale. ... En revanche, il n’est pas contesté que l’acte de cession de la marque a été antidaté au 14 avril 2005... cette falsification avait pour but et pour effet de tromper le tribunal quant à la date de réalisation de cet actif. Les préventions de faux et usage de faux sont donc établies. »

Tribunal correctionnel de Valence, 27 janvier 2011

« était relevée une absence de bilan, de balance comptable et de livres journaux et que pour l’entreprise en nom personnel « Vincent X », ; ... était relevée une absence de tenue de comptabilité pour l’exercice de l’année 2008 ; ... en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que les éléments essentiels d’une comptabilité sincère et fiable étaient absents, pour chacune des deux entreprises, pour au moins un exercice de la période visée à la prévention, la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit de banqueroute par absence de comptabilité, seul visé à la prévention, dont elle a déclaré les prévenus coupables ; »

Crim. 3 février 2016, n° 14 -83.427

« ... les parties civiles ayant versé des acomptes antérieurement au 1er juillet 2008... ne peuvent utilement se prévaloir de la perte d’une chance qui résulterait des faits de banqueroute, le préjudice invoqué, résultant de l’inexécution fautive du contrat, et n’étant pas en lien direct avec ces faits ; que doivent, dès lors, être déclarés irrecevables en leur demande, au vu des dates auxquelles les acomptes ont été versés, M. et Mme A. (bon de commande et acompte du 31 mars 2008) »

Crim. 3 février 2016, n° 14-83.427