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Le blanchiment

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"Bien mal acquis ne profite jamais." Villon

Normes

COMPORTEMENT

L’origine des biens et revenus

RÉPRESSION

Le blanchiment

Chapitre IV du Titre II Des autres atteintes aux biens du Livre III Des crimes et des délits contre les biens du CP

Textes répressifs

(ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016)
Articles Informations
Art. 324-1 CP

« Le blanchiment et le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. »

Art. 324-1-1 CP
« Pour l’application de l’article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit des lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus. » (Loi du 6 décembre 2013).
Art. L. 561-1 CMF
« Les personnes autres que celles mentionnées à l’article L 561-1 qui, dans l’exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenus de déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu’elles savent provenir de l’une des infractions mentionnées à l’article L 562-2. »
Art. L. 561-15 CMF
« I. - Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l’article L. 561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme...».
Art. 22 loi Sapin II du 9 décembre 2016
« Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause (...) pour le blanchiment des infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion de celles prévues aux mêmes articles 1741 et 1743, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant une ou plusieurs obligations (...) comme verser une amende d’intérêt public au Trésor public ».

En amont

Tentative

Art 324-6 CP

À rapprocher de

Recel

Art. 321-1 CP

Aggravations

Les articles 311-4-1 à 311-11 énoncent les peines, par palier, allant jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité, selon la nature du bien volé, ou les circonstances du vol.
  1. Blanchiment commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ou commis en BO
    Art 324-2 CP
  2. Augmentation du montant des amendes élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment
    Art 324-3 CP
  3. Si l’infraction principale est punie d’une peine privative de liberté d’une durée su- périeure à celle de l’emprisonnement encouru en application des articles 324-1 ou 324-2, le blanchiment est puni des peines attachées à l’infraction dont son auteur a eu connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance.
    Art 324-4 CP
  4. Récidive assimilée à l’infraction principale
    Art 324-5 CP

Mot-clés

  • Money laundering

Histoire

Le législateur français anticipe la signature de la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 sur le blanchiment d’argent du trafic de produits psychotropes de l’ONU en instaurant le délit de blanchiment d’argent spécifique aux trafics de stupéfiant dans le code de la santé publique à l’article L.627 alinéa 3. Puis cette infraction va être déplacée à l’article 222-38 du nouveau Code pénal de 1992 dans le chapitre relatif aux trafics de stupéfiants.

Le GAFI est créé dans les 90 car les gouvernements étrangers et français prennent conscience qu’il y’a une criminalité transnationale organisée d’envergure dont la source de financement est le trafic de stupéfiant. Ainsi il faut aborder ce sujet non plus comme un problème de santé publique mais comme un problème criminel.

Par ailleurs, en 1988, le délit de blanchiment en matière d’infraction douanière est créé et figure toujours à l’article 415 Code des douanes.
Enfin suite aux recommandations du GAFI, la loi du 13 mai 1996 consacre une définition générale du délit de blanchiment codifié aux articles 324-1 et suivants CP. Ce délit est défini à travers deux alinéas, chacun correspondant à un modus operandi.

Jurisprudence

« Mme Z..., Abdelhakim X..., M. A... et Moktar X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de blanchiment de biens et revenus représentant le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, en l’espèce des fonds d’origine frauduleuse provenant notamment des délits de fraude fiscale, escroquerie et faux qu’aurait commis Moktar X..., faits prévus et réprimés par l’article 324-1 du Code pénal ; Pour les relaxer de l’infraction précitée, la cour d’appel énonce, notamment, que la poursuite n’articule à l’encontre de M. A... aucun fait précis, postérieur à l’entrée en vigueur de la loi sur le blanchiment dont est issu l’article 324-1 du Code pénal, pouvant constituer le délit, et que la preuve n’est pas rapportée qu’Abdelhakim X..., en acceptant d’être le gérant de la société Sovim dirigée en réalité par son frère Moktar X..., ait sciemment aidé à la justification mensongère de l’origine frauduleuse des biens et revenus de ce dernier, l’investissement au profit de cette entreprise de fonds provenant des délits de fraude fiscale, escroquerie et faux n’étant pas établis ; Elle retient, en ce qui concerne Mme Z..., que fait défaut l’élément intentionnel du délit de blanchiment, caractérisé par la connaissance de l’origine délictueuse des fonds, et qu’il appartenait à la partie poursuivante d’établir d’une manière précise l’existence d’une action qualifiée délit, imputable à Moktar X... et d’en relever les éléments constitutifs, la simple imputation d’escroqueries ou de fraude fiscale étant, à cet égard, insuffisante ; En l’état de ces seules énonciations, abstraction faite de motifs erronés retenant que la qualité d’auteur de l’infraction principale était exclusive de celle d’auteur de l’infraction de blanchiment consécutive, et dès lors que ce délit nécessite que soient relevés précisément les éléments constitutifs d’un crime ou d’un délit principal ayant procuré à son auteur un profit direct ou indirect, la cour d’appel a justifié sa décision ».

Crim., 25 juin 2003, n°02-86.182

« M. Z... a été définitivement condamné des chefs de vols aggravés et escroqueries commis en 2009 et 2010 ; que son amie, Mme X..., est poursuivie pour avoir, entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009, facilité la justification mensongère de l’origine des biens et des fonds provenant des délits de vols aggravés commis par M. Z..., en acceptant de faire immatriculer à son nom un véhicule qui ne lui appartenait pas, d’encaisser des chèques sur son compte sans en connaître l’origine et en restituant ces sommes en espèces, ce qui a permis de donner une apparence légale à des fonds et à un véhicule provenant directement ou indirectement d’une activité délictuelle ; Pour relaxer la prévenue, l’arrêt retient qu’il n’est pas démontré que Mme X..., qui s’était éprise de M. Z..., connaissait les vols que celui-ci avait commis, ayant déclaré avoir été persuadée que les fonds litigieux provenaient d’une activité dissimulée de négoce de voitures permettant à son ami, qui percevait le revenu de solidarité active, de frauder l’administration fiscale... les juges relèvent, pour les faits de 2009, seuls susceptibles d’être rattachés aux activités délictueuses de M. Z..., qu’ils ne peuvent être qualifiés, comme l’a requis le ministère public, de blanchiment de fonds provenant de travail dissimulé et de fraude fiscale, délits qui n’ont pas été poursuivis, M. Z... ayant été déclaré coupable de vols aggravés ; qu’ils en déduisent que le blanchiment d’infractions principales non établies ne peut être retenu... En statuant ainsi, alors qu’il suffit, pour caractériser l’infraction de blanchiment, d’établir que son auteur avait conscience de l’origine frauduleuse des fonds, même s’il n’a pas déterminé la nature exacte des infractions d’origine, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, n’a pas justifié sa décision ».

Crim. 20 mai 2015, n°14-81.964

« Vu l’article 324-1, alinéa 2, du Code pénal ; Attendu que ce texte est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise. »

Crim. 14 janvier 2004, n° 03-81.165

« Pour retenir la culpabilité de T. des chefs de complicité et recel du délit de blanchiment de fraude fiscale imputé à A. l’arrêt retient que ce dernier a accepté d’acquérir, d’immatriculer, d’assurer à son nom et de financer par l’emprunt l’achat d’une automobile appartenant en réalité à à T., qui a remis à A. la somme... en espèces, en règlement d’une partie du prix et qui lui a remboursé les mensualités du prêt souscrit pour payer la différence ; ... T. n’avait, ..., déclaré aucun revenu ; ... ce stratagème avait pour objet de dissimuler des revenus occultes ; ... les faits poursuivis sous la qualification de blanchiment de fraude fiscale sont distincts de ceux de complicité et recel de blanchiment, d’autre part, le complice de l’auteur principal d’un délit peut, lorsque l’infraction est consommée, en être le receleur, enfin, l’article 324-1 du Code pénal est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise. »

Crim. 20 février 2008, n°07-82.977

« M. X... a servi d’intermédiaire dans la revente d’engins de travaux publics, qui provenaient de vols, en fabriquant de faux certificats de vente, des attestations mensongères et des factures fictives, les fonds étant utilisés pour l’acquisition d’aéronefs par M. A..., destinataire des documents mensongers... M. X... est poursuivi du chef de blanchiment pour “avoir apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect de crimes ou de délits, en l’espèce en servant d’intermédiaire pour la vente d’engins de chantier volés”... Pour le déclarer coupable de cette infraction, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens... En l’état de ces énonciations, la cour d’appel... a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ».

Crim 26 janvier 2011, n°10-84.081

« Attendu la question prioritaire de constitutionnalité numéro 2, présentée par Mme. A et M. X... ainsi que par la société BK Immo SCI, est ainsi rédigée : “L’article 324-1, alinéa 2, en tant qu’il sanctionne l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise, bien qu’il ne vise que “le fait”, nécessairement pour un tiers complice, “d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit”, est-il contraire au principe de légalité des délits et des peines issus de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?” ; Attendu que les questions posées, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ; Et attendu que lesdites questions ne présentent pas, à l’évidence, un caractère sérieux dès lors que les dispositions visées par les questions, rédigées en termes suffisamment clairs et précis pour permettre leur interprétation et leur sanction, qui entrent dans l’office du juge pénal, sans risque d’arbitraire, ne portent pas atteinte au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines ; D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel lesdites questions ».

Crim. 27 mars 2013, n°12-85.115

« Pour déclarer M. X... coupable de recel, l’arrêt retient que des fonds provenant de l’escroquerie commise par sa compagne ont été versés sur son compte... En statuant ainsi, alors que le versement effectué sur le compte du prévenu ne constituait, au moins en partie, qu’une opération préalable nécessaire à l’achat du bien réalisé par ses soins et pour lequel il a été déclaré coupable de blanchiment, la cour d’appel a méconnu le principe énoncé ci-dessus ; D’où il suit que la cassation est encouru ».

Crim 26 octobre 2016, n°15-84.552

« Le délit de blanchiment est non seulement une infraction de conséquence, mais une infraction autonome qui suppose pour pouvoir être poursuivie que soit établie l’existence d’une infraction principale ayant procuré à son auteur un profit direct ou indirect ; ... l’auteur du délit de blanchiment peut être poursuivi, quand bien même l’auteur du délit d’origine n’a pas fait l’objet de poursuites ou ne peut être condamné ; que, s’agissant du délit voisin de recel, la jurisprudence admet que celui-ci peut être poursuivi quand bien même l’infraction principale est prescrite ; .... si le délit de banqueroute par détournement d’actifs, délit d’origine, était prescrit lors du déclenchement des poursuites du chef de blanchiment et ne peut être reproché au mis en examen, les faits de blanchiment afférents à la période visé dans les réquisitoires introductif et supplétif ne sont atteints par aucune prescription ; »

Crim. 31 mai 2012, n°12-80.715

« ... après avoir constaté l’existence, sur le territoire français, d’une activité non déclarée de commerce d’armement qui s’est déroulée pendant plusieurs années, sur la base de l’organisation d’une structure pérenne et dans le cadre d’un établissement dédié, l’arrêt retient que ces actes, accomplis au nom et pour le compte de l’État Angolais, ne relèvent que du droit international et sont soustraits, à ce titre, à l’appréciation des tribunaux français ; ..., pour retenir leurs compétences d’un chef de blanchiment du produit de cette activité, les juges relèvent notamment qu’échappent à l’immunité les actes relatifs à l’utilisation des fonds provenant des opérations de commerce d’armes ; ... l’immunité de juridiction est sans effet sur la licéité des actes auxquelles elle s’applique, d’autre part, le délit de blanchiment est une infraction générale, distincte et autonome... ».

Crim. 16 janvier 2013, n°11-83.689

« Mme X..., d’origine étrangère, mais implantée de longue date en France était parfaitement informée et bien placée pour connaître le fonctionnement des sociétés, assurant même la gérance de droit des trois sociétés civiles immobilières ; qu’elle ignorait probablement le détail et l’ampleur des détournements, mais en profitait au quotidien ainsi que l’ensemble de sa famille, si nécessaire par le biais des procurations, notamment sur le compte Fortis ; que sa présence régulière dans les locaux de l’entreprise et les écoutes téléphoniques significatives (D194) complètent cette évidence, caractérisant le recel des abus de biens sociaux et de confiance et sa complicité dans les opérations de blanchiment » ; Attendu que pour déclarer Mme X... coupable de recel et de complicité de blanchiment aggravé, l’arrêt énonce notamment que, gérant elle-même trois sociétés civiles immobilières et étant co-titulaire du compte bancaire ouvert au nom de la société Liberty net, elle était régulièrement présente dans l’entreprise et, très informée des activités de son mari, elle disposait d’une procuration sur les comptes à vue et à terme de M. X... ouverts à la banque Fortis, auxquels elle avait un libre accès ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a justifié sa décision ».

Crim. 20 mai 2015, n°13-86.916

« Pour déclarer Roland X... coupable de blanchiment de fraude fiscale, l’arrêt, après avoir relevé les éléments du train de vie du prévenu et retenu qu’il n’avait jamais déclaré à l’administration fiscale des sommes sujettes à l’impôt, constituées de revenus occultes, énonce, notamment, qu’il s’est rendu coupable du délit de facilitation de blanchiment d’une fraude fiscale, en investissant ces sommes dans la souscription de bons anonymes et en les utilisant comme enjeux dans les casinos, pour les transformer en ressources licites et non imposables... Pour retenir la culpabilité de Roland X... des chefs de complicité et recel du délit de blanchiment de fraude fiscale imputé à André Y..., l’arrêt retient que ce dernier a accepté d’acquérir, d’immatriculer, d’assurer à son nom et de financer par l’emprunt l’achat d’une automobile, appartenant en réalité à Roland X..., qui a remis à André Y... la somme de 300 000 francs en espèces, en règlement d’une partie du prix, et qu’il lui a remboursé les mensualités du prêt souscrit pour payer la différence ; que les juges relèvent que Roland X... n’avait, en 2001, année de cette acquisition, déclaré aucun revenu ; qu’ils ajoutent que ce stratagème avait pour objet de dissimuler des revenus occultes... En l’état de ces énonciations, et dès lors que, d’une part, les faits poursuivis sous la qualification de blanchiment de fraude fiscale sont distincts de ceux de complicité et recel de blanchiment, d’autre part, le complice de l’auteur principal d’un délit peut, lorsque l’infraction est consommée, en être le receleur, enfin, l’article 324-1 du code pénal est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré Roland X... coupable, a justifié sa décision, sans méconnaître les textes et principe invoqués ; D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ».

Crim. 20 février 2008, n°07-82.977