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Le favoritisme

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"Qui n’empêche pas le mal le favorise." Cicéron

Normes

COMPORTEMENT

L’impartialité des décideurs publics pour assurer le respect des règles de concurrence nécessaires au bon fonctionnement des marchés

RÉPRESSION

Le favoritisme

De la Section 3 Des manquements au devoir de probité du Chapitre II Des atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique du Titre III : Des atteintes à l’autorité de l’État du Livre IV : Des crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique du CP.

Textes répressifs

(ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016)
Articles Informations
Art. 432-14 CP ancien
« Est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession. »
Art. 432-14 CP nouveau
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin 2 ») modifie l’article 432-14 du code pénal en remplaçant les mots : « délégations de service public » par ceux : « contrats de concession » (L. no 2016-1691 du 9 déc. 2016, art. 19-1).

À rapprocher de

Prise illégale d’intérêts

Art. 432–12 CP

 

Conflit d’intérêt du fonctionnaire chargé de surveiller

En amont

« Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 (c’est-à-dire l’État et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ou encore les collectivités territoriales et les établissements publics locaux) et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ».

Art. 1er- I Code des marchés publics

 

« Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

Art. 1er- II Code des marchés publics

Articles abrogés par l’ordonnance du 23 juillet 2015 transposant en droit français deux directives européennes du 26 février 2014 relatives aux marchés publics dites « secteurs classiques » et « secteurs spéciaux ».

 

« Les marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Les accords-cadres sont les contrats conclus par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d’établir les règles relatives aux bons de commande à émettre ou les termes régissant les marchés subséquents à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées ».

Art. 4 ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015.

 

« Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ».

Art. L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales

Aggravations

Les articles 311-4-1 à 311-11 énoncent les peines, par palier, allant jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité, selon la nature du bien volé, ou les circonstances du vol.
  1. « Interdiction des droits civils, civiques et de famille pour une durée de cinq ans, Interdiction soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, Confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l’auteur de l’infraction, à l’exception des objets susceptibles de restitution, Affichage ou la diffusion de la décision prononcée. »
    Art. 432-17 CP

Mot-clés

Histoire

Suite aux scandales politico-financiers des années 1990 basés sur des systèmes de financements occultes des campagnes politiques en échange d’attributions truquées de marchés publics, le législateur est intervenu afin de créer le délit de favoritisme pour mettre un terme à ces pratiques. Le délit de favoritisme a donc été instauré par la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché, puis complété par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, et par celle du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public.

Jurisprudence

« L’article 432-14 du code pénal s’applique à l’ensemble des marchés publics, y compris ceux passés en application de l’ordonnance du 6 juin 2005 et non pas seulement aux marchés régis par le code des marchés publics. »

Crim. 17 février 2016, n° 15-85.363, AJDA 2016. 342, Pastor

« Pour déclarer Georges Z... coupable du délit poursuivi, les juges d’appel relèvent notamment que le prévenu a laissé siéger les commissions d’appel d’offres des 12 mars 1991 et 10 mars 1992 avec la participation d’un seul conseiller municipal ayant voix délibérative, Bernard Y..., en violation du principe de la collégialité des organes délibérant institué par l’autorité réglementaire pour garantir la régularité et l’impartialité de l’attribution des marchés... L’entreprise d’Alain X... a été favorisée, notamment par l’admission de la procédure d’urgence, dans le marché de réhabilitation de la patinoire, décidée par une délibération du conseil municipal du 18 décembre 1991 à laquelle il a participé... Georges Z..., maire depuis 1989, après avoir été conseiller municipal, ne peut se réfugier derrière une méconnaissance de la procédure d’appel d’offres ; qu’il avait le devoir d’appeler l’attention de Bernard Y... et d’Alain X... sur les irrégularités les concernant... En l’état de ces énonciations, la cour d’appel, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable. »

Crim. 15 septembre 1999, n° 98-87.588, DP 2000. M. Véron

« Dès lors que la personne ayant accompli un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, si elle ne saurait se prévaloir d’une ignorance de ces dispositions pour justifier son comportement, n’est pas déclarée responsable du délit à la condition qu’elle démontre, conformément aux prévisions de l’article 122-3 du code pénal, avoir cru, par une erreur de droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, avoir pu légitimement accomplir l’acte, ce qui laisse subsister l’élément moral exigée par l’article 121-3 du code pénal. Il n’y a donc pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. »

Crim, 23 juillet 2014, n°14-90.024, DP n°10, comm. 124, M Veron

« L’élément intentionnel du délit de favoritisme est caractérisé par l’accomplissement, en connaissance de cause, d’un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public. En l’espèce, l’école nationale d’application des cadres territoriaux a lancé une procédure d’appel d’offres pour le recrutement de formateurs professionnels devant assurer des modules d’enseignement pour les cadres de la fonction publique territoriale. Le règlement de la consultation prévoyait cinq critères de sélection classés selon leur ordre d’importance. Aucune des offres déposées par un groupement n’a été retenue. Le tribunal administratif a annulé l’attribution de ces marchés au motif que lors de l’examen des offres les différents candidats, la commission locale n’avait pas procédé à un classement de ces derniers en fonction des critères précités mais s’était fondée sur la seule qualité de la réponse pédagogique et le prix des interventions sans expliciter les éléments pris en compte pour apprécier le premier critère. Pour dire n’y avoir lieu à poursuivre quiconque du chef de favoritisme, l’arrêt, après avoir relevé que l’élément matériel du délit de favoritisme était caractérisé, énonce que ce délit suppose que soit établi un élément intentionnel, qui se définit comme l’intention de nuire. Les juges ajoutent que si des maladresses et des dysfonctionnements se sont produits au regard des critères de choix, il ne résulte d’aucun élément de l’information que les membres de la commission aient été animés d’une telle intention de nuire au groupement et qu’ils aient de manière délibérée et frauduleuse évincé ce dernier pour privilégier un autre candidat. Cette décision encourt la cassation. »

Crim. 14 décembre 2011, n°11-82.854

« ... Les faits poursuivis caractérisant des délits distincts, protégeant des intérêts différents et une seule peine ayant été prononcée... l’arrêt attaqué a déclaré M. X coupable de favoritisme et de corruption passive, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende et prononcé à son encontre une peine d’inéligibilité de cinq ans. ... un certain nombre de faits à caractère matériel qui sont patents : M. Y a eu communication des offres d’entreprises avec lesquelles il se trouvait en concurrence sur le premier marché... a obtenu l’attribution de lots sur le premier marché en procédant à une manipulation volontaire à caractère frauduleux de ses offres... a payé en espèces un pourcentage calculé sur ces marchés... accuse M. X d’avoir été l’auteur de la communication frauduleuse d’informations et le bénéficiaire des versements en espèces ; Ces accusations sont constantes, elles sont corroborées par les déclarations faites par son épouse dès l’origine de l’enquête, elles trouvent précisément, et cette fois d’un point de vue matériel à s’alimenter... ainsi la prévention qui, sur l’origine de la communication illicite, matériellement constatée, des offres de la société O, retient comme le reflet de la vérité les explications constantes et cohérentes fournies par celui des deux protagonistes centraux du processus illicite qui a été pris la main dans le sac, M. Y, explications qui désignent l’action personnelle positive à ce niveau de l’autre protagonistes central, M. X, lequel est ensuite, en vertu du pacte préalable révélé et de façon cohérente rémunéré dans les termes du second chef de prévention, se trouve suffisamment fondée pour les deux délits, sur un faisceau de multiples indices dont la gravité, la précision et la concordance emportent la conviction ; »

Crim. 12 septembre 2012, n°11-87.281

« Le 5 mars 2002 Jean-Pierre Z s’est présenté au service de gendarmerie pour révéler les conditions dans lesquelles avait été passé ce marché... René B dont il était très proche, avait pris contact avec lui le 7 novembre 1997, pour lui conseiller de s’associer, pour présenter son projet avec Pierre Y qui, immédiatement après, l’avait joint pour réaliser cette association... Il avait eu le sentiment qu’il était préférable, pour que sa candidature soit retenue, qu’il consente à cette association ; ... été retenue alors que... n’était pas le moins-disant et n’avait pas fourni tous les éléments demandés ; ... poursuivis , pour atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, ... et pour recel de ce délit... pour dire les faits de favoritisme non prescrits, l’arrêt énonce que la sélection des candidats et le choix définitif qui ont été faits ont été favorisés par des soutiens occultes, qui se sont manifestés avant le dépôt des projets et ne sont apparus, dans des conditions permettant l’exercice des poursuites qu’à partir du 5 mars 2002. ... coupables... qui ont, en connaissance de cause, présenté un projet commun pour obtenir le soutien qui leur a permis d’être sélectionnés. »

Crim. 24 février 2010, n°09-83.988

« ... le demandeur ne saurait faire grief à l’arrêt d’avoir reçu la constitution de partie civile des sociétés C et GTM et de leur en avoir donné acte, dès lors qu’il résulte de ses énonciations que leurs candidatures avaient été retenues par la commission d’appel d’offres et que les agissements du prévenu ont eu pour effet de leur faire perdre une chance d’être déclarées attributaire du marché. »

Crim. 21 septembre 2005, n°04-83.868, DP 2006, comm. 26 M. Veron